dimanche 26 mai 2013

Le dangereux programme économique du Front National (écrit à l'été 2011)


            Totalement déconnecté des réalités économiques et de tout projet de gouvernement concret, le Front National a sorti en avril 2011 ses grandes orientations économiques en vue de la présidentielle de 2012 (http://www.frontnational.com/pdf/projet-eco-fn.pdf).  Ce programme économique a des faux airs trompeurs de programme de gauche. En effet, en raison de la crise et du retour du keynésianisme dans les discours économiques, il n’est pas étonnant que le FN suive la même tendance que tous les acteurs politiques et économiques. Ce document propose un certain nombre de solutions qui ressemblent à celle du programme du PS : fusion de l’IR et de la CSG, banque publique d’investissement, une réflexion sur les PME, le redéveloppement des Services Publiques… Pourtant leur politique économique induit des conditions sine qua non inacceptables et reste teintée des doctrines économiques les plus libérales et les plus nationalistes.

Des prérequis irréalistes et révoltants

            Pour mener le programme économique du FN, il faudra tout d’abord retrouver une « souveraineté monétaire » : sortir de l’euro, voire même de l’Union Européenne (cf : « Comment sortir de l’euro ? Les Douze étapes essentielles » http://www.frontnational.com/pdf/sortir-de-leuro.pdf). Pour les Frontistes, l’euro est une machine à créer des chômeurs et de l’inflation qui contraint les pays au surendettement et au « marasme social ». De plus, les partisans de Marine Le Pen dépeignent l’Union Européenne comme un cadre qui soustrait la France de sa souveraineté sur tous les domaines. Une seule devise monétaire est formulée : « Une Nation = une monnaie ». La solution s’avère donc être le retrait pur et simple de la France de l’Union monétaire et même de l’UE. Cela passe par un processus en douze étapes douteuses. Inutile de toutes les développer, mais il faut s’arrêter sur plusieurs aspects de ce projet. Il serait créé un « ministère des Souverainetés » qui serait chargé de retrouver la souveraineté de la France dans tous les domaines, de l’économique au juridique en passant par le militaire. Le FN rétablirait le Franc dont la convertibilité débuterait à 1FF=1€ et cette nouvelle monnaie serait dévaluée progressivement de façon compétitive. La Banque de France serait en charge de gérer la politique monétaire de la France et serait indépendante du pouvoir politique.
            Fantasmé depuis 2002, ce retour au franc proposé par le FN est bancal et irréalisable. La solution que présente le FN ne résoudrait guère les problèmes liés à l’euro et au contraire empirerait la situation. Les risques sont très élevés d’appliquer ce genre de politique. Ainsi, cette fin de l’euro engendrerait des attaques spéculatives des marchés contre le franc et contre les pays plus faibles de l’ancienne zone euro. La crise serait pire qu’elle ne l’est déjà. Ce que le FN ne comprend pas et qui est révélateur de son idéologie néo-libérale est l’impératif d’indépendance de la Banque de France. C’est actuellement le problème de la BCE et une banque de France calquée sur le même modèle ne ferait que reproduire ce qui se passe déjà. Cette posture du retour au franc est une position purement idéologique du FN, ce qui n’est pas nouveau, mais qui tente d’être justifié par des éléments concrets. Cet acte de démagogie est très dangereux puisque le processus en 12 étapes peut sembler cohérent au regard d’un électeur qui n’y connait rien en économie.
            Nous Jeunes Socialistes réaffirmons notre attachement à l’idéal fédéraliste européen. C’est par une nouvelle gouvernance économique de l’union monétaire, par la création d’eurobonds qui mutualiseraient les dettes des pays de l’Eurogroup et par la mise en place d’écluses tarifaires basées sur les normes écologiques et sociales que l’Union Européenne ira mieux. Il ne suffit pas de revenir à une monnaie faussement souveraine pour régler les problèmes de la zone euro.

            Autre prérequis à la politique économique frontiste : la recentralisation. Le FN veut créer un « Etat fort et stratège » très centralisé en sabordant la démocratie locale et le travail de décentralisation effectué depuis la loi cadre Defferre de 1982. L’idée est de revenir à ce qui peut se rapprocher des deux empires, une France organisée en communes (dirigées par des maires aux compétences fortes) et en département (gérés, semble-t-il, par les préfets et non par des Conseils Généraux). Il est assez étonnant de parler d’organisation administrative de notre pays dans un programme économique. Ce choix du FN démontre qu’un Etat presque absolu doit gérer l’économie du haut. Cette position idéologique n’est pas acceptable pour nous socialistes fervents défenseurs de la décentralisation et de la démocratie locale.

Enfin le nationalisme du Front National ressort en fort de ces orientations économiques. Il faut de fait stopper l’immigration pour retrouver un essor économique. Cet argument fallacieux induit que l’immigration ralentit l’économie. Nous ne pouvons pas accepter de telles positions qui marginalisent un pan entier de la population de notre pays. Elles démontrent encore une fois cette haine de l’immigré et le repli identitaire autour d’une nation figée et immuable dont fait preuve le FN. Face à cette volonté d’arrêter l’immigration nous prônons la régularisation de tous les sans-papiers qui, eux, contribuent à notre économie et pour certains depuis plusieurs années sans pouvoir bénéficier des aides.
           
Un programme à doctrine économique fluctuante

            Ce programme oscille de temps à autre entre plusieurs traditions économiques qui sont révélatrices de l’histoire de ce parti politique d’extrême droite. Le keynésianisme de façade est rapidement balayé par le national-protectionnisme, le néo-libéralisme et le poujadisme quand on pousse l’analyse un peu plus profondément.

            Le FN est le chantre du protectionnisme économique au niveau national ; d’un certain national-protectionnisme. Il est ouvertement assumé et même qualifié de colbertisme – doctrine qui se définit par : « tout par et pour la métropole ». Ce protectionnisme centralisateur induit plusieurs mesures. Il faudrait imposer des droits de douanes à nos frontières et reprendre le contrôle douanier aux limites de notre Etat. Nous reviendrions au franc. Enfin, nous redeviendrions maîtres de nos négociations internationales (OMC…).
Ces différentes mesures ne feraient qu’affaiblir la France qui ne peut désormais agir que dans le cadre européen. Plutôt que de vouloir changer l’Europe, le FN veut appliquer des mesures qui replieraient la France sur elle-même. Nous ne pouvons plus nous permettre de mener seuls ces politiques. C’est pour cela que les Jeunes Socialistes prônent un protectionnisme européen intelligent et économiquement efficace qui empêcherait le dumping social et écologique. La seule motivation du FN est de poser des droits de douanes sur un produit, seulement parce qu’il est d’origine étrangère.
            Ce type de protectionnisme n’est donc pas une protection des travailleurs et de notre modèle social contre le marché, les forces de l’argent et leurs aberrations, mais une simple protection de la France, par un repli sur elle-même, contre les intérêts étrangers qui sont perçus comme mauvais par nature.

            De plus, même si le FN s’affiche comme ayant tranché avec le néo-libéralisme le corps de leurs propositions en est teinté. Ainsi pour les frontistes, seul le marché peut fournir les meilleurs rapports de prix par son caractère autorégulateur. Ils vont même jusqu’à être plus libéraux que les néo-libéraux en pointant les échecs en matière de concurrence de l’Union Européenne. Autre caractéristique de cette pensée, la proposition de diminution de la réglementation et de la « lourdeur administrative » pour les PME traduit une critique d’un Etat prédateur des richesses du privé et la volonté de réduire la taille de celui-ci. Enfin, la volonté de l’indépendance d’une hypothétique banque centrale française renforce cet argument.
La crise nous l’a démontré, le néo-libéralisme est un échec économique majeur qui n’a fait qu’augmenter les inégalités et mis l’économie mondiale en équilibre dangereux. Il est capital que nous changions de paradigme économique pour l’avenir et revenir à une économie saine et de progrès.

            Cerise sur le gâteau, le poujadisme est plus que jamais présent dans ce programme économique. Le corps de cette politique économique reste concentré seulement sur les PME/PMI. L’objectif est de favoriser le petit patronat de ces entreprises en augmentant leurs pouvoirs au sein de l’entreprise au détriment des employés et de leur participation.  Cette position va radicalement à l’encontre de nos conceptions. Il faut que les PME/PMI soient le lieu de l’innovation et de la discussion. Ces petites structures sont l’occasion pour les employés et les dirigeants de collaborer au maximum. C’est pour cela que nous défendons le développement de la participation des employés dans les PME/PMI et le développement des SCOP.

Un silence pesant sur les questions centrales de l’économie de demain

            Le FN ne fait ici que développer les thèmes qu’il développe depuis quelques dizaines d’années. Ce parti ignore totalement l’évolution du monde et se soustraie d’avoir une réflexion sur les thèmes centraux de l’économie de demain.
Sans aucune référence à l’écologie, le programme du FN donne l’impression que le monde n’a aucun problème lié à l’écosystème ou à la rareté des ressources. C’est le signe d’un conservatisme sourd et fermé. Pour nous, ce n’est que par la conversion écologique que notre économie ira vers l’avenir.
Autre signe de ce conservatisme et de la volonté de rester dans une France immuable, ce programme ne fait allusion à aucune politique d’innovation. C’est par l’innovation et sa stimulation par la recherche publique que notre économie avancera. Le FN semble se croire dans un monde où rien n’avance et où l’âge d’or semble être derrière nous.
            Enfin, le Front National contrairement à ses critiques incessantes du capitalisme financier et du libre-échange, n’amène sur la table aucune remise en cause du système économique mondial. Cette critique de façade du capitalisme financier cache le fait que les frontistes se complaisent parfaitement dans ce système.  Le défi du XXIe siècle est pour nous de remettre en cause le système économique mondial et ses dérives pour inventer l’économie de demain. Nous proposons le juste-échange, la régulation des transactions financières, la conversion écologique de l’économie, alors que le FN propose de renforcer la concurrence et l’anarchie générale su système.


            Le programme du FN est donc un programme complètement dépassé qui ne prend absolument pas compte ce qu’est l’économie. Nous ne pouvons pas accepter ses prérequis ni la justification de ces propositions. Ce programme est dangereux puisque sous des faux airs de programme de gauche c’est véritablement un programme économique d’extrême droite qui préfère une idée figée de la Nation et un retour au Franc au progrès social et à l’émancipation.
           


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